La Poétique de l'eau
« En changeant son imagination, l’homme change son existence. » Paul Ricoeur
Canalisée, maîtrisée, distribuée, l’eau nous apparaît désormais ordinaire, à portée de robinet. Quant à ces temps où chaque source, chaque rivière étaient habitées par une nymphe, nous les avons oubliés. Nous ne vivons plus l’eau, nous l’utilisons. Un simple flux à gérer. Et pourtant, on parle de stress hydrique, de désertification galopante, d’épuisement des nappes phréatiques : nous savons aussi qu’elle commence à manquer, qu’elle est précieuse. Comment est-on parvenu à cette situation paradoxale ? Du philosophe grec Thalès de Milet qui, affirmant que « tout est eau », faisait d’elle le principe de toute chose, au chimiste Lavoisier qui, au XVIIIe siècle, la désenchantera pour y découvrir un composé chimique, et au moment écologique contemporain, toute une histoire se déploie.
C’est ce récit complexe, et les différentes conceptions qu’il porte, que le philosophe Jean-Philippe Pierron nous raconte ici. Alors que le soin écologique relève aujourd’hui d’une urgence, ce geste poétique vaut engagement. Car pour changer les pratiques, ne nous faut-il pas dépasser le simple utilitarisme et produire un nouvel imaginaire ? Et si cela commençait par rêver l’eau ?
Jean-Philippe Pierron est responsable du master « Éthique, écologie et développement durable » à l’université Jean Moulin, à Lyon. Il a notamment publié Penser le développement durable (Ellipses, 2007), Vulnérabilité. Pour une philosophie du soin (PUF, 2010) et Où va la famille ? (Les Liens qui libèrent, 2014). Sur le thème de l’eau, il a dirigé Écologie politique de l’eau. Rationalités, usages et imaginaires (Hermann, 2017).